Le Président qu'on mérite

Publié le par Antonin Prade

Le Président de la République a, au cours de l’interminable série de vœux de la nouvelle année aux corporations du pays, a balancé, l’air de rien, qu’il abaisserait bien l’impôt sur les bénéfices des sociétés à 20%, contre 33% actuellement, à horizon 5 ans.

Du Chirac tout craché. Ça peut prêter à sourire, voire satisfaire, certains, alors que c’est juste insupportable.
Décryptons le coup médiatique. Voilà un président largement démonétisé, y compris au sein de son propre camp politique, qui incarne aujourd’hui à lui tout seul une façon révolue de diriger un pays moderne, la politique de l’autruche pratiquée avec virtuosité par une bonne partie de la classe politique et la politique du guichet ouvert à des Français toujours persuadés et pas détrompés qu’il y a bien quelque chose à racler auprès de l’Etat. Voilà donc un président, qui au bout de deux mandats au bilan globalement négatif, et à quatre mois de l’échéance électorale majeure du pays, fait semblant de se tâter pour y aller une 5ème ( !) fois, essentiellement pour mettre des bâtons dans les roues du candidat du parti qu’il a lui-même créé.

Le plus triste pour la France et pour les Français, ce n’est pas ce pathétique entrechat d’un vieil homme qui a surtout peur de s’ennuyer après sa retraite, et qui veut se convaincre qu’il peut encore peser sur les événements. Le plus triste, c’est que cette proposition d’abaisser l’impôt sur les sociétés, et bien, elle est loin d’être absurde, en particulier à l’heure où l’Allemagne, par exemple, va massivement réduire les charges patronales pesant sur ses propres entreprises. Ce serait en effet une vraie impulsion pour dynamiser l’investissement et l’embauche dans des entreprises françaises dont les marges sont plus basses que celles de leurs homologues européennes, ce serait un vrai signal pour des entreprises étrangères hésitant à installer une filiale en France, dont la compétitivité relative est généralement considérée comme faible. Evidemment, une telle mesure nécessiterait de trouver des recettes pérennes (baisse des dépenses ou augmentation d’autres impôts, et pas l’endettement, merci), d’environ 15 milliards d’euros.

Bref, on voit que l’on discute ici d’un vrai choix de politique économique, au coût fiscal élevé, qui relève de la philosophie politique et sociale. Un choix du type de ceux que l’on tranche au cours d’une élection présidentielle, par exemple, quand le peuple choisit un chemin pour les 5 années suivantes.
Et bien non, en France, en 2007, ces propositions majeure sont faites à quatre mois de l’élection par une personne au pouvoir depuis 12 ans, qui n’a aucune chance de les mettre un jour en œuvre et qui au fond n’y croit même pas lui-même. Tant pis pour le débat de société dont les Français ont besoin, tant pis pour cette mesure économique dont il va sans dire qu’elle sera, après cette sortie hors sujet, exclue de la campagne présidentielle. Tant pis, parce qu’au fond, pour le 1er des Français, pour l’homme qui a été élu par 82% des citoyens il y a 5 ans, ce qui compte vraiment aujourd’hui, c’est d’emmerder le plus longtemps possible Sarkozy.

PS : cher Jacques Chirac, avant de grimper définitivement dans les poubelles de l’Histoire, si ça vous amuse vraiment de faire gagner Ségolène Royal, réfléchissez juste un instant que le porte-parole de campagne de cette charmante dame est, malgré leurs profondes divergences de vue, le jeune Arnaud Montebourg. Il ne faut pas être grand devin pour deviner que leur rapprochement repose sur un pacte qui vous concerne directement : si Ségolène Royal l’emporte, Montebourg sera son Garde des Sceaux, avec carte blanche pour vous traquer, tel un chien enragé, parce que c’est le combat de la vie, et vous le savez bien. Rien de ça avec Sarkozy, évidemment. Quel dilemme cornélien ! Une retraite dorée sous la présidence de votre meilleur ennemi ou quelques rendez-vous pénibles avec des juges, des avocats et une opinion publique qui n’aura aucune pitié. Vous avez encore le choix, Monsieur le Président…

Publié dans Politique

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N
Excellent, ce PS.
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F
A notez que Montebourg vient de faire mettre au piquet pour un mois à cause d'une blague mal apprécié par sa patronne.
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A
Salut Anto<br /> J'ai découvert ton blog le mois dernier. Chapeau bas pour ton engagement et ce qui doit représenter une somme de travail importante.<br /> As tu lu la tribune de Peyrelevade, parue dans le Monde, sur son engagement en faveur de Bayrou ? Je peux te la faire suivre si tu le souhaites.<br /> Je souhaite réagir à ton post sur notre Président. A ton post scriptum en fait, car je ne comprends pas, surtout de la part d'un membre d'un parti tenant d'une autre politique, la raison pour laquelle tu mets dans la balance, s'agissant du soutien du Président à un candidat, des calculs judiciaires en jeu.<br /> Ne te fais tu pas porteur ici d'une idéologie contre laquelle tu t'élèves me semble-t-il ? Intérêt Général Vs Intérêt Particulier ? Tu entends peut-être là aussi que je considère que l'Intérêt Général gouverne de choisir la voix que tu rejettes le plus.  Mais ce n'est pas mon propos principal. Je suis frappé par ton raisonnement, par le fait que tu le mettes en avant particulièrement - il est en PS :), et par le fait que tu fasses de cela un argument décisif dans le choix du soutien d'un candidat, fut-ce celui de notre Président.<br /> N'est-il pas préférable, d'ailleurs, que le Président s'abstienne d'intervenir en recommandant un candidat, ne serait-ce, le cas échéant, soi-même ? Ce président en particulier, d'ailleurs !<br /> Bonne continuation et bon courage pour 2007
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