La crise du logement, une crise de la politique

Publié le par Antonin Prade

Les Enfants de Don Quichotte, en installant des tentes de SDF en plein centre de Paris, ont voulu attirer l'attention sur la situation dramatique, tout particulièrement en hiver, des plus mal logés de nos concitoyens (c'est un euphémisme). Dans la foulée, une association a occupé, et occupe toujours, un immeuble de bureau parisien pour y créer le "Ministère de la crise du Logement". Pour ne pas être en reste, le DAL a brièvement occupé le siège de Gecina, la plus importante société foncière française.

Toutes ces manifestations sont pavées de bonnes intentions et ont comme objectif de sensibiliser l'opinion publique ainsi que les pouvoirs publics compétents en matière de logement et d'assistance sociale (Etat, Région, Département, Commune, c'est-à-dire tout le monde). Comme souvent dans notre beau pays, la mise en exergue de l'aspect humain d'une situation de pénurie et de déséquilibre (en l'occurence de logement, mais on pourrait parler d'emploi, de formation) attire une réponse compassionnelle et finalement non opératoire. Parce qu'on peut parier à coup sûr que le problème du logement et de la réinsertion des SDF ne sera pas réglé ni en 2008, ni en 2012 par la mise en place d'un droit au logement "à la française". A ce titre, un article de l'agence Télos éclaire les enjeux et les limites du droit opposable au logement : http://www.telos-eu.com/2007/01/droit_au_logement_attention_au.php

En fin de compte, pour le problème du logement, rien de plus efficace qu'une analyse objective des problèmes pour éviter de tomber dans les mesures gadgets ou, plus grave, et si français, dans la création et l'attribution de nouveaux droits affaiblissant ou appauvrissant d'autres catégories de citoyens. Les principaux points noirs du logement en France sont les suivants, dans l'ordre décroissant d'urgence sociale  :

- une insuffisance et une inadaptation des structures de logement d'urgence pour les populations en grande difficulté;    

- une production insuffisante et une faible mobilité de leurs occupants même quand leur situation a positivement évolué conduisant à un stock de logements sociaux insuffisant (déficit estimé entre 500 000 et 1 millions de logements sociaux) pour répondre à la demande, massive ;

- dans le parc privé, une déconnexion entre le rendement locatif et la valeur des logements qui conduit les propriétaires à vendre plutôt qu'à louer et donc à réduire le parc locatif;

- toujours dans le parc privé, un durcissement des conditions de location (loyers et cautionnement) qui exclue de fait certaines populations et qui crée une situation absurde de personnes en CDI avec un salaire théoriquement suffisant se voyant refuser l'accès à la location ;  

- une absence de flexibilité des loyers et des prix de vente à la baisse, en particulier dans les (nombreux) logements vacants construits dans des cadres fiscaux type de Robien;

- dans les centres-villes des agglomérations et à Paris en particulier, une pénurie structurelle de logements et une hausse continue des prix et des loyers. 

Certains choisissent de dénoncer les effets de la spéculation immobilière, entretenue par les promoteurs et les marchands de biens, l'inaction coupable ou complice de pouvoirs publics et la cupidité des propriétaires : ça défoule et ça donne bonne conscience. Au-delà des invectives le constat d'une allocation faussée et dégradée des logements en France permet de distinguer les  pistes d'action suivantes :

- les SDF et les très mal logés sont les seules populations qui nécessitent un interventionnisme et une prise en charge publique : cette prise durable et coûteuse est légitime car elle concerne des personnes qui sont "hors circuit" et ne se réintégreront pas seules ;

- l'accès à un logement social doit désormais être considéré comme un droit temporaire pris en charge et accordé par la Collectivité à des personnes satisfaisant certains critères de revenus et de besoins : de fait, les offices HLM doivent procéder à des réévaluation des ressources et des besoins (départ des enfants, par exemple) et imposer des hausses de loyer progressives en fonction des revenus ou des déménagements dans l'immeuble ou le parc en fonction des besoins. Voilà une mesure sûrement impopulaire, mais au fond juste et équitable et permettant de libérer des logements d'une part et d'augmenter les revenus des offices HLM d'autre part...il va sans dire que les critères de revenus pour accéder à un logement social doivent être revus à la baisse (12 000 euros par mois et par foyer à Paris, par exemple, seuil fixé pour loger des fonctionnaires ou des "amis"...)

- permettre aux collectivités locales de se porter caution de locataires satisfaisant certains critères, afin de rassurer les bailleurs privés, ce qui serait sans doute plus efficace que des amendes aux mairies quand le seuil de 20% de HLM n'est pas atteint (soit il n'y a pas de foncier disponible, soit les communes résidentielles acceptent de payer les amendes)

- à Paris et dans les centres-villes des agglomérations, faciliter la transformation de bureaux osbolètes dans les immeubles anciens en logements en favorisant la construction d'immeubles de bureaux neufs et adaptés dans des pôles économiques définis.

Propositions préliminaires évidemment, et à discuter... 

Publié dans Economie

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A
salut Fred, <br /> merci de m'avoir rendu visite.<br /> sur les 20% de logements sociaux, c'est le maire qui a la main. Quand il rend constructible un terrain grâce à une modification de son PLU et que ce terrain est travaillé par des promoteurs/développeurs immobiliers, c'est lui qui impose, le nombre de logements sociaux dans le programme. Dans le cadre d'un plan d'aménagement (ZAC par exemple), le règlement de la zone peut imposer le nombre de logements sociaux.<br /> Plusieurs contraintes pèsent sur la construction de d'avantage de logements sociaux, même si il y a une volonté politique : <br /> - le prix du foncier, quand il appartient à un tiers, qui le cède à un promoteur pour y réaliser des logements et qui voudra obtenir un prix de charge foncière calé sur le prix du logement libre<br /> - la surdensité de logements sociaux dans certaines zones : certaines communes sont déjà largement au-dessus de 20% de LS<br /> - l'avantage financier pour les communes de permettre aux promoteurs de lancer programmes de logement libres, plus rentables car ils peuvent leur prélever plus facilement qu'aux offices HLM une participation fiscale aux équipements municipaux (crêches, écoles, maisons de retraite, etc.) <br /> Rien n'est simple, et surtout attention aux bonnes intentions qui se transforment en lois contre-productives...
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F
Salut Antonin,Toi qui as l'air de t'y connaître, tu pourras peut être me renseigner: est-ce que dans les jolis programmes de construction d'immeubles top modernes pour investisseurs avec loi besson-robien-borloo-dorothée pour payer moins cher, est imposé un nombre minimum de logements sociaux?Si oui, comment ca se passe exactement?Si non, est-ce que ca ne serait pas un moyen simple de pousser un tout petit peu la si nécessaire mixité sociale? Un petit 20% de logements sociaux, ca ne freinerait pas trop les investisseurs (au pire, ca pourrait diminuer un peu la bulle) et ca permettrait de mélanger un peu le tout. C'est peut être pas une bonne idée mais j'attends ton avis éclairé la dessus.Fred
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